Recibido: 12 de agosto de 2021; Aceptado: 28 de enero de 2022
Représentations, valeurs sociales et traits identitaires dans l'apprentissage et l'enseignement du FLE en contexte exolingue À la mémoire du professeur Jaime Ruiz-Vega
Representaciones, valores sociales y rasgos de identidad en el aprendizaje/ enseñanza de FLE en el contexto exolingue
Representations, Social Values and Identity Features into FFL Learning/Teaching in Exolingue Context
Résumé
Cette recherche rend compte des représentations sémantiques des mots apprentissage et enseignement en FLE, de la mobilisation discursive de valeurs sociales, ainsi que des traits identitaires chez des étudiants et des enseignants/professeurs de deux institutions éducatives en Colombie. Comme cette étude s'est accomplie à partir du discours lexicographique et d'un corpus recueilli auprès de quatre groupes ayant participé à la recherche, nous avons construit la description de la signification lexicale des termes ciblés, en français et en espagnol, et nous l'avons comparée avec les évocations des informateurs. Notre intérêt pour étudier les conceptions des participants dans leur langue maternelle se trouve à l'origine d'une stratégie instaurée pour confirmer l'hypothèse sur l'influence de la L1, par rapport aux représentations en français. Nous avons constaté que la langue source des informateurs agit sur leurs estimations en langue étrangère, ainsi que celles des enseignants/professeurs répercutent sur les évaluations faites par leurs étudiants, surtout quant à la (re)construction identitaire de soi et d'autrui. La mobilisation discursive des valeurs sociales chez les participants résulte plutôt de leurs vécus et de leurs actions quotidiennes. Notamment, leur contexte exolingue joue un rôle fondamental dans l'apprentissage/enseignement du FLE.
Mots-clés:
sémantique des possibles argumentatifs, représentations et valeurs sociales, (re)construction identitaire, apprentissage, enseignement.Resumen
Este artículo de investigación da cuenta de las representaciones semánticas de las palabras aprendizaje y enseñanza en FLE, de la movilización discursiva de valores sociales, así como de los rasgos de identidad en estudiantes y profesores de dos instituciones educativas en Colombia. Como este estudio toma en cuenta el discurso lexicográfico, y un corpus obtenido a partir de los cuatro grupos que participaron en este, se construyó la descripción de la significación lexical de los términos definidos en francés y en español que, a su vez, fue comparada con el discurso de los informantes. El interés por estudiar las concepciones de los participantes en su lengua materna reposa en la estrategia utilizada para confirmar la hipótesis frente a la influencia de la L1, sobre las representaciones en francés. En consecuencia, se estableció que la lengua materna de los informantes actúa sobre sus estimaciones en lengua extranjera, e igualmente que aquellas asociadas a los profesores en cada población repercuten sobre las evaluaciones hechas por sus estudiantes, principalmente en la (re)construcción de identidad propia y de la del otro. La marca discursiva de valores sociales evocados por los participantes resulta predominantemente de sus experiencias, y de sus acciones cotidianas. Su contexto exolingüe juega un rol fundamental en el aprendizaje y la enseñanza del francés.
Palabras clave:
semántica de posibles argumentativos, representaciones y valores sociales, (re)construcción de identidad, aprendizaje, enseñanza.Abstract
This research paper reports the semantic representations of learning and teaching as lexical entities in FFL, the discourse mobilization of social values, besides the identity features of educative actors among students and teachers/professors from two educative institutions in Colombia. This study was done from lexicographical discourse and from a corpus collected from the four groups who participated in this research, we established the description of lexical meaning for the specific words mentioned in French and Spanish. We then compared them with informants' representations. Our interest instudying participants' conceptions in their L1 derives from a strategy that we settled to confirm our hypothesis on the influence of speakers' L1 over their French associations. Considering the comparative analysis, we remarked that L1 influences French representations. Also, teachers/professors' conceptions in each population impact those ones of their students, mainly on the identity (re)construction of oneself and others. The discursive mobilization of social values among participants results rather from their experiences and from their daily actions. In this way, the features of their exolingue Colombian context play a radical role in learning/teaching FFL.
Keywords:
semantics of argumentative possibilities, representations and social values, identity (re)construction, learning, teaching.Introduction
Aborder le sujet des langues étrangères, particulièrement du Français Langue Étrangère (dorénavant FLE), est devenu un défi étant à la base de nouvelles perspectives/pratiques, et des besoins de communication actuels au niveau mondial, et dans des contextes changeants. Plusieurs théoriciens, chercheurs, formateurs, enseignants et étudiants en formation se sont consacrés aux études en pédagogie et didactique associées au processus d'apprentissage et à l'acte d'enseignement des langues, afin d'actualiser les démarches liées à ces deux actes dans la salle de classe. Ainsi, dans le contexte éducatif actuel, parler des langues étrangères devrait tout d'abord nous faire penser au rôle du socioculturel, du pragmatique et de la composante linguistique ; des dimensions s'avérant nécessaires vu qu'elles pourraient nous permettre de remarquer des traits attachés à la (re)construction des identités personnelles qui prend place tantôt chez l'apprenant, tantôt chez l'enseignant.
Bien que l'apprentissage et l'enseignement des langues, notamment du FLE, exigent un ensemble de stratégies rendant actifs les agents principaux du processus éducatif, à savoir, l'apprenant et l'enseignant, dans la construction des savoirs en langues, nous trouvons actuellement que le processus et l'acte éducatif se traduisent, dans la plupart des contextes éducatifs colombiens, en l'utilisation de manuels et de documents différents.
Dans cette perspective, les actions et les activités mises en place dans la salle de classe sont-elles les seuls aspects à considérer pour établir l'apprentissage et l'enseignement du FLE? Quelle est la finalité de l'apprentissage et de l'enseignement? Quel est le rôle de l'apprenant? Et celui de l'enseignant? Quelle est/serait la place des interactions en langue française pour réussir l'apprentissage et l'enseignement de cette langue? Comment pourrions-nous prioriser la (re)construction d'identités chez l'apprenant ainsi que chez l'enseignant grâce à l'utilisation de la langue française?
Les aspects évoqués auparavant rendent compte d'un problème qui focalise l'attention sur les représentations de l'apprentissage et de l'enseignement du FLE en Colombie, et même dans des contextes internationaux. En dépit du travail en didactique de langues pour dépasser le paradigme structuraliste, et fonder les actions éducatives d'une langue sur le paradigme poststructuraliste, il est observable que le structuralisme est encore à la base de la formation en langues dans le contexte colombien1. Si les apprenants, compte tenu de la diversité et des différences normales entre les êtres humains, apprennent de manière différente par rapport aux autres, pourquoi les enseignants continuent à développer les mêmes processus d'enseignement pour tous les étudiants? D'ailleurs, la participation dynamique de l'apprenant, sa responsabilité, et son implication sont des éléments dont l'enseignant se sert pour mesurer l'apprentissage. Pourtant, un sujet unique qui ne participe pas, ou qui agit différemment selon le profil d'un apprenant idéal, semble être un individu susceptible d'être considéré comme un mauvais étudiant, qui ne progresse pas, au moins en contexte exolingue.
Certes, il faudrait déterminer ce que l'on comprend par apprentissage et enseignement du FLE. Une vision particulière de ces notions permettra d'appréhender des estimations que l'apprenant/l'enseignant ont tant de leurs agissements éducatifs en langue française, que de l'axiologisation mobilisée lorsqu'il l'apprend/l'enseigne. Ces conceptions représenteraient la place de la communication en classe, aussi bien que la (re)construction des traits identitaires mouvants, voire le positionnement de l'individu lors des interactions discursives. Ainsi, l'éducation actuelle du pays affronte une problématique : les représentations de l'apprentissage et l'enseignement du FLE, chez l'apprenant et l'enseignant, semblent avoir marqué une incohérence entre le discours et les démarches.
Autrement, ayant suivi une formation universitaire pour devenir enseignants de langues, les représentations et l'axiologisation de ceux qui dispensent des cours de français pour développer la communication, seraient différentes de celles mobilisant par les usagers-professeurs en Colombie. La raison pourrait être que chaque enseignant a eu un contact culturel divers, affectant ses conceptions éducatives. Il serait possible de rapporter une telle affectation sur les représentations que se fait un individu, grâce aux aspects linguistiques (dans l'usage de la langue maternelle et étrangère). Dans ce sens, l'apprenant-usager-futur enseignant pourrait avoir une vision différente du processus et de l'acte éducatif vis-à-vis de celle d'un apprenant-usager du FLE qui a pour but la seule intention d'interagir dans des situations communicatives. Comprendre ceci déterminerait jusqu'à quel point la langue maternelle et les expériences dans l'usage de la langue étrangère jouent un rôle dans les conceptions que les individus se font.
Actuellement, celui qui apprend un système de communication cible semble devenir un sujet idéal qui, grâce à des activités proposées par l'enseignant, apprend la langue de la même manière que les autres, fondée sur une vision d'homogénéisation. Ce panorama nie l'idée que l'utilisateur, quel que soit le contexte d'apprentissage de la langue étrangère, se sert de la langue entre autres pour construire des discours vehiculées du pouvoir, lui permettant de réagir, et ainsi, de (re)construire ses identités mouvantes.
Sous ce rapport, notre recherche porte sur l'apprentissage et l'enseignement dans le développement de la compétence de communication en français, chez des apprenants et des enseignants de cette langue. Notre étude permettra de comprendre les représentations liées au processus et à l'acte éducatif en français (et en espagnol de Colombie), pour déterminer la conception à la base des pratiques apprenantes/enseignantes, de même, les traits identitaires mouvants qu'apprenants/enseignants (re)construisent vis-à-vis de l'utilisation de la langue étrangère.
Cette recherche s'inscrit dans la dimension théorique et méthodologique de la Sémantique des Possibles Argumentatifs (SPA), favorisant l'appréhension des conceptions, de la perception que les individus colombiens ont de leur réalité, et des valeurs qu'ils inscrivent dans leurs représentations. Ainsi cette étude mettra-t-elle à jour les notions d'apprentissage et d'enseignement ; deux thématiques faisant l'objet de beaucoup de recherches en éducation, mais qui méritent une actualisation (selon les acteurs et leurs visions/contextes).
Suivant la problématique visée, nous nous posons les questions suivantes : quelles sont les représentations sémantiques des termes apprentissage et enseignement chez les apprenants et les enseignants du FLE dans notre contexte éducatif ? Quelles valeurs sociales sont mobilisées par les acteurs dans leur expression en langue française ? Les interrogations précédentes portent sur la question générale de cette recherche : quelles sont les représentations sémantiques ainsi que l'axiologisation du processus/de l'acte éducatif en didactique de langues, et leur rapport avec la (re)construction des traits identitaires chez des usagers apprenant/ enseignant le FLE en contexte exolingue ?
Notre objectif général est d'analyser comparativement les représentations d'apprentissage et d'enseignement ainsi que l'axiologisation, permettant de constater leur rapport avec la (re)construction de traits identitaires des interlocuteurs apprenant/ enseignant la langue française, en milieu exolingue. Pour cela faire, il faudrait, primo, identifier les représentations sémantiques des termes apprentissage et enseignement, à partir du corpus lexicographique ainsi qu'auprès des apprenants/enseignants du FLE en Colombie ; secundo, caractériser et différencier les valeurs sociales inscrites dans les dictionnaires aussi bien que mobilisées par les populations.
En favorisant la réponse aux questions et l'accomplissement des objectifs indiqués, cette recherche emprunte deux étiquettes, dérivant de la perspective critique du Discours, pour comprendre comment les apprenants/enseignants négocient leurs représentations, et (re)construisent des traits identitaires ; à savoir : pouvoir et résistance.
Éléments de cadrage théorique
Pensée, langue et discours sont le reflet immédiat de milliers de visions du monde et de représentations que l'homme se fait de la réalité où il cohabite. Il en découle notre intérêt, primo, d'étudier la matérialisation discursive qui renvoie à ce que Galatanu (2006) assume comme le « pouvoir de la parole » (p. 90) ; secundo, d'aborder la notion d'identité, vu que les actions éducatives en langues, et notamment en FLE, permettent à l'apprenant et à l'enseignant de se positionner. À cet égard, nous considérons que le discours contribue à la (re)construction des identités mouvantes, car la reconstruction de la signification et du sens lors des actes de communication renvoie à la prise de position du locuteur. Or, une identité n'est pas seulement visible grâce à la performance des interlocuteurs dans des contextes diversifiés ; « l'identité serait le résultat de la construction discursive et représentationnelle opérées par les sujets et par les autres». (Barbier & Galatanu, 2006, p. 165)
Étant donné que la conception d'apprentissage et d'enseignement recourt au discours, et qu'une identité se matérialise dans/par celui-ci, la perspective qui suscite cette recherche est, d'abord, la Sémantique des Possibles Argumentatifs -SPA-. Cette théorie sémantique permet de déterminer tantôt les conceptions que portent les sujets de leurs réalités, tantôt les valeurs sociales inscrites dans l'expression discursive.
Présentation du modèle de la Sémantique des Possibles Argumentatifs (SPA)
La SPA, développée par Galatanu (2009), est un modèle théorique linguistique qui rend compte des effets des sens et des valeurs se mobilisant au moment d'activer une entité lexicale dans le discours. Ce modèle est à « l'interface de la sémantique, de la pragmatique, et de leurs objets respectifs : la signification lexicale et le sens discursif » (Galatanu, 2013, p. 20). Par conséquent, cette théorie permet de réaliser une description de la signification lexicale et du sens à partir de l'articulation entre la sémantique et l'analyse du discours en interaction, ayant pour but de « rendre compte à la fois des représentations du monde «perçu» et «modélisé» par la langue, ainsi que du «potentiel discursif» au niveau des enchaînements argumentatifs des mots, en analysant les effets de sens qui déconstruisent, et même intervertissent, les valeurs axiologiques des mots» (Galatanu, 2008, p. 32).
Pour la SPA, la signification des entités linguistiques est une construction sociale, car la signification est partagée par des (inter)locuteurs appartenant à une communauté linguistique particulière. Cette construction sociale permet aux utilisateurs d'une langue de (re)construire et de communiquer leurs conceptions du monde, de leur culture, de leurs actions, de leurs relations humaines, de leurs croyances, de leurs interactions, de leurs comportements, de leurs environnements, ainsi que l'image qu'ils portent d'eux-mêmes et d'autrui. Essentiellement, « cette présentation des croyances passe, sur le plan linguistique, tout d'abord par les mots, par ces entités linguistiques dont il dispose et qu'il émet ou insère dans son discours» (Ruiz, 2011, p. 98). Les mots, formant des discours, portent beaucoup d'éléments sur la conception du monde, et sur les pratiques sociales2.
Comme l'(inter)locuteur se sert de la langue pour représenter son monde et ses croyances, il ne le fait pas d'une manière neutre, en décrivant tout simplement ce qui existe dans son entourage. Il porte des regards multiples, qui mobilisent des jugements à travers les étiquettes lexicales utilisées dans ses discours, lui permettant d'évaluer son monde, ses interactions sociales et les visions qu'il a de ses réalités, et des acteurs qui y participent. Particulièrement, « le pouvoir de la parole est [...] non seulement celui d'une voie d'accès privilégiée aux identités des acteurs sociaux et aux représentations sociales, mais surtout celui d'une force agissante sur ces pratiques par la représentation qu'elle construit et propose du monde social et des systèmes de valeurs » (Galatanu, 2003, p. 111).
La SPA et l'axiologisation discursive
Analyser l'intention discursive des énonciateurs ne peut point être établi en termes de vérité ou fausseté. Cela implique de déterminer la manière dont l'individu conçoit le monde. Ainsi les étiquettes que l'homme utilise pour construire ses discours possèdent-elles un potentiel argumentatif, une force illocutionnaire, qui favorisent des évaluations de sa réalité, toutes se matérialisant dans et par le discours. Rendre compte de l'axiologisation discursive dans la perspective de la SPA, amène à approfondir les zones sémantiques modales. Rappelons-nous qu'au moment de parler de la valeur modale, il faudrait évoquer l'attitude du sujet lors de la communication, vis-à-vis du «contenu propositionnel de son énoncé et de la fonction que cet énoncé est censé avoir dans l'interaction verbale dont il participe» (Galatanu, 2003, p. 90). Les mots portent un potentiel évaluatif et axiologique social, concédant la description-construction-représentation du caractère mouvant des significations dans le discours. Relativement, il existe quatre zones sémantiques modales liées à l'axiologisation discursive (Galatanu, 2000, p. 91), comme suit :
La zone modale ontologique correspond à l'évaluation faite par l'(inter)locuteur sur le monde naturel et social. À l'intérieur de cette zone modale s'inscrivent les valeurs aléthiques faisant référence au fonctionnement des lois naturelles. Le terme nécessaire caractérise ces valeurs. Les valeurs déontiques se penchent sur les normes ou règles sociales établies pour accomplir l'organisation et/ ou fonctionnement des relations sociales. Elles se structurent autour du terme obligatoire.
La zone modale des valeurs de jugement de vérité montre la construction humaine de la représentation du monde, et de soi-même, tel qui est pensé ou reconnu. Les valeurs épistémiques et les valeurs doxologiques composent cette zone. Les premières évoquent les savoirs, la connaissance et la certitude (plus objectivantes) à la base du savoir scientifique : l'épistème. En revanche, les secondes (plus subjectivantes) portent sur les croyances, les opinions, les estimations courantes, les préjugés, reliées à la doxa.
La zone modale axiologique comporte un système d'évaluation lié à l'expérience humaine, qui varie selon la culture où elle s'inscrit, et les expériences des individus. Portant une double polarité, ces valeurs sont :
La zone modale des valeurs finalisantes, se trouvant dans le pôle le plus subjectivant, indique l'intention de l'homme. Elle est associée au désir, à la volonté et au souhait. Cette zone se compose des valeurs volitives (suivant la volonté) et les désidératives (vis-à-vis du désir/des pulsations).
Conceptualisation de la notion d'identité
Pour plusieurs théoriciens définir le terme identité est une action difficile à accomplir dès lors qu'elle est complexe, sa définition dépend considérablement de l'optique associée aux Sciences Humaines et Sociales, aussi qu'au paradigme où le concept se situe. À ce sujet, Mucchielli (1999) affirme que «l'identité est un rapport et non pas une qualification individuelle comme l'entend le langage commun. Ainsi la question de l'identité est non pas qui suis-je? mais qui je suis par rapport aux autres, que sont les autres par rapport à moi ?». (p. 60) Cette vision implique le besoin de reconnaître que l'identité ne peut point être vue comme une simple construction individuelle et statique, mais une structure ne pouvant pas se séparer de la relation avec autrui, et du concept d'altérité. L'identité se caractérise par sa condition mouvante, «fluide, inachevée, fragmentaire et surtout construite dans le discours». (Benwell & Stocke, 2006, cité par Dervin 2008, p. 52)
Nous empruntons à Dervin (2008) l'idée que l'identité est surtout une construction permanente de soi, comme une symbiose d'une part individuelle et d'une autre part sociale, permettant de manifester des distinctions, des points de rencontre avec les altérités, car l'interaction de ceux-ci nous accorde une place dans la société (p. 54).
L'identité est une construction permanente, car l'être humain interagit constamment avec son entourage et les gens qui y coexistent. Malgré cela, la situation où il se trouve peut le faire agir différemment, donc assumer une identité diverse car l'identité est une manière d'être en tant que condition humaine et non simplement en tant qu'individu qui occupe un espace. Celui est donc vu comme acteur social qui partage des caractéristiques propres à une communauté.
De ce qui précède, il découle que les théories liées à l'apprentissage de langues ainsi qu'à la recherche éducative devraient permettre la compréhension de la manière dont le pouvoir, dans les relations/interactions sociales, affecte tant l'accès des apprenants à la communauté sociolinguistique et culturelle de la langue cible, qu'aux opportunités pour pratiquer la compréhension et la production orales et écrites. Les théories concernant le rapport entre langues étrangères et identités, telle que décrite par Bonny Norton (1995-2013), visent à étudier comment le pouvoir (parfois associé au savoir) est mobilisé dans des actions éducatives en langues, et la manière dont cet aspect affecte les opportunités pour négocier les rapports sociaux. La relation entre langues étrangères, discours, pouvoir et identité est-elle proche, influençant surtout l'apprentissage/l'enseignement des acteurs quel que soit le contexte. Norton (2011) précise que les apprenants de langues, qui assument une identité spécifique quand ils parlent, sont capable de recadrer leur relation avec autrui, en changeant leur accès aux pratiques, et en revendiquant leurs propres identités ou celles de celui à qui l'individu parle, écoute ou écrit. Si les apprenants s'impliquent dans leur éducation, et s'ils y (re)construisent des identités mouvantes leur permettant de partager/de véhiculer le pouvoir avec leur enseignant, il serait marqué que leur processus d'acquisition de la langue cible s'améliorera pertinemment, tout en favorisant leurs manières d'être.
Perspectives méthodologiques de la recherche
Notre choix méthodologique se fonde sur la SPA. Cette méthodologie permet l'accès au sens et aux représentations culturelles circulant avec les entités lexicales que les énonciateurs utilisent dans leur expression. En raison du potentiel argumentatif/ axiologique des mots, ce modèle théorique permet de rendre compte des valeurs sociales, s'activant dans le discours.
La SPA en tant que modèle méthodologique présenté par O. Galatanu (2007) se propose d'effectuer une description de la signification lexicale, en articulant la sémantique et l'analyse du discours; autrement dit, à l'interface de la langue et du discours. Quant à la perspective critique sous-jacente dans l'analyse du discours, nous nous rapprochons de deux étiquettes dérivant de la conception de Fairclough (1989): pouvoir et résistance. Ces deux éléments contribuent à déterminer comment le discours mobilise des pratiques (scolaires/sociales) légitimées dans et par les interactions entre l'apprenant et l'enseignant du FLE.
D'autre part, le modèle de la SPA décrit la partie très stable ou relativement stable de la signification lexicale, en termes de noyau et de stéréotypes. (Galatanu, 2009, p. 57) Sur ce point, cette linguiste affirme que le noyau fait référence aux traits de catégorisation des entités lexicales, qui leur sont des propriétés essentielles. Les stéréotypes répondent à l'ensemble ouvert d'associations liées à un mot. Quant aux possibles argumentatifs, ils forment des associations potentielles d'un mot avec les éléments de ses stéréotypes, rendant compte de la signification et du sens des termes. Comme manifestation discursive, les déploiements argumentatifs ou des séquences argumentatives produites par les locuteurs dans le discours, sont des formes d'actualisation des possibles argumentatifs. Les déploiements permettent la vérification de la conformité ou la non-conformité du sens au protocole sémantique de la signification lexicale, mobilisant aussi des valeurs sociales.
Cette recherche se fonde sur des représentations sémantiques et identitaire en FLE de deux populations (quatre groupes au total), appartenant au contexte exolingue colombien: celle d'une organisation binationale à Bogota (pour la promotion de la langue et la culture francophones), et celle correspondant à un contexte universitaire (formant de nouveaux enseignants du FLE). D'ailleurs, chaque population est composée de 15 jeunes apprenants (30 étudiants au total) et de 10 enseignants/professeurs (20 au total).
Pour ce qui est de la procédure méthodologique, nous abordons trois moments. Le premier rend compte de la construction de la signification lexicale des termes. Cette première étape implique avoir recours au corpus dictionnairique dans les deux langues, afin de présenter la signification de ces mots, en français aussi bien qu'en espagnol. Quant au deuxième moment, il faut effectuer l'analyse des données pour identifier les occurrences des mots les plus utilisés par les informateurs, et de cerner leurs représentations associées au processus d'apprentissage et à l'acte d'enseignement en L1 et en langue étrangère. Ce travail autorisera à repérer les actualisations dans les stéréotypes et les définitions des énonciateurs, pour déterminer la possible présence du cinétisme (mobilisation de perceptions, s'approchant ou s'éloignant à une forme de base stable: la signification d'un mot, inscrite dans une activité langagière précise, et qui a lieu dans la construction du sens). Enfin, nous proposons la comparaison entre la reconstruction de la signification (selon le discours des informateurs), et la construction de la signification (à partir des dictionnaires) pour rendre compte du sens discursif des conceptions.
Certes, les deux termes qui nous intéressent dans cette étude sont apprentissage et enseignement. Néanmoins, nous avons établi comme stratégie d'avoir recours à l'analyse des représentations des informateurs par rapport aux hétéronymes en espagnol : aprendizaje et enseñanza. Nous cherchons par conséquent à déterminer ce qui est différent en français dans toutes les populations. Formellement, la comparaison des représentations entre langues, étant l'espagnol la langue source des informateurs, c'est une manière de comprendre la mobilisation de valeurs/représentations en français. Ceci permet de valider l'hypothèse : les étudiants utilisent le code français pour s'exprimer, mais les valeurs, les idées et les sens représentés ont une large influence de la langue, la culture, le contexte et les vécus propres à leur langue maternelle, voire de l'impact des conceptions de leur enseignants/professeurs sur les leurs.
Analyse lexicographique
Afin d'aboutir la Construction de la Signification Lexicale -CLS- (tirée du corpus lexicographique) des vocables : apprentissage/aprendizaje et enseignement/ enseñanza3, nous avons eu recours à cinq dictionnaires monolingues consultés pour chaque langue.
«Apprentissage»: comparaison dictionnairique en français et en espagnol
Selon la CLS d'apprentissage en français et de son hétéronyme aprendizaje en espagnol, tant les deux noyaux que leurs stéréotypes rendent compte d'un même objectif : le changement de comportements. Tantôt la volonté et l'implication de l'apprenant dans son processus, tantôt l'acquisition de connaissances, sont des principes présentes en français. Néanmoins, l'apprentissage en espagnol est associé à l'effort, à la résistance (la ténacité devant des tâches lourdes), à l'ensemble d'activités d'un être conscient qui emploie ses forces pour résister à une situation. Les expériences jouent un rôle très important dans les deux langues, car elles sont indispensables pour parvenir à des changements de comportement comme manifestation de l'apprentissage. Or, la mémorisation ne s'avère essentiel qu'en espagnol. Il est apparu qu'en français, le processus lui-même est primordial, tandis qu'en espagnol, les résultats deviennent le trait fondamental.
Par rapport aux valeurs sociales, les valeurs véhiculées majoritairement en français autant qu'en espagnol sont les valeurs axiologiques de type pragmatique. Dans les deux langues, il est possible d'y identifier le pôle positif de ces valeurs, étant les plus contenues. Néanmoins, l'inscription du pôle bivalent y apparaît également. L'apprentissage dans les deux langues, selon les dictionnaires, s'avère en l'occurrence utile, permettant d'accomplir les buts fixés par l'apprenant. Le deuxième groupe de valeurs véhiculées par le mot apprentissage cor respond aux valeurs aléthiques (vu son caractère nécessaire pour l'individu) ainsi que déontiques, tandis que les valeurs aléthiques deviennent seulement les valeurs les plus portées en espagnol. Le processus éducatif s'offre nécessaire dans les deux langues, mais il est plus obligatoire en français qu'en espagnol. Les valeurs axiologiques intellectuelles sont véhiculées dans les représentations identifiées. Lapprentissage contient des valeurs intellectuelles bivalentes ; en revanche, l'entité lexicale aprendizaje inscrit surtout des valeurs intellectuelles positives, permettant de préciser qu'en français, ce processus éducatif peut devenir intéressant/inintéressant, alors qu'en espagnol il est plutôt intéressant. Enfin, des valeurs de jugement de vérité épistémique y sont aussi véhiculées. L'apprentissage dans ces langues se rapporte donc à la connaissance, aux savoirs, et à la certitude des aspects à apprendre.
«(Enseignement»): comparaison dictionnairique en français et en espagnol
Quant aux termes enseignement en français et enseñanza en espagnol, tant les deux noyaux que leurs stéréotypes précisent l'idée d'un sujet possédant des connaissances et permettant aux autres de connaître ses savoirs. Le processus devient l'élément le plus saillant pour diriger l'enseignement en français, tandis que pour la conception en espagnol, ce sont les résultats à travers les changements divers de comportement. La signification en français souligne expériences et méthode comme les outils obligés pour l'enseignement ; alors qu'en espagnol, c'est le processus de mémorisation qui compte le plus, autorisant l'accomplissement des résultats attendus. L'enseignant devient le modèle social à suivre par l'apprenant de sorte que ce dernier puisse accomplir son apprentissage. Ceci est absent en langue française.
Il est apparu l'activation de valeurs axiologiques pragmatiques en français et en espagnol, permettant de comprendre que les actions mises en place dans les deux langues pour accomplir l'enseignement sont utiles. Néanmoins, en français l'utilité est entièrement évidente alors qu'en espagnol son utilité existe malgré l'activation bivalente (une présence d'inutilité reconnue). Les deuxièmes valeurs les plus portées en langue française sont les axiologiques intellectuelles positives et bivalentes, tandis qu'en espagnol la deuxième grande mobilisation correspond aux valeurs finalisantes volitives. Lenseignement s'offre un acte plus intéressant en français, ainsi qu'il est moins associé à la volonté telle qu'il est apparu en espagnol, car le lexème enseñanza prend en considération les décisions affectives selon les intentions de l'enseignant. Les valeurs aléthiques deviennent le troisième groupe de valeurs les plus portées en français ainsi qu'en espagnol, ce qui précise l'existence d'actions et de conditions nécessaires associées au processus d'enseignement en fonction des buts.
Analyse des corpus et comparaisons à partir du discours des informateurs
L'étude des réponses des informateurs favorise l'établissement de leurs représentations et le potentiel axiologique qu'ils inscrivent vis-à-vis des termes abordés.
Les entités lexicales: apprentissage et aprendizaje
Il existe peu de différences entre les noyaux dégagés pour les quatre groupes d'enquêtés: les étudiants d'une organisation binationale (G1) à Bogota et leurs enseignants (G2), ainsi que les étudiants d'un contexte universitaire colombien (G3) et leurs professeurs (G4). Les noyaux d'apprentissage et d'aprendizaje se rapprochent, tant en français qu'en espagnol. Or, une nuance existe entre les représentations de ces quatre groupes et le noyau lexicographique en espagnol puisqu'aucun locuteur ne rattache ce processus éducatif au vouloir agir non plus à l'effort. Autrement, le changement de comportement auquel les deux noyaux dictionnairiques réfèrent, semble ne pas se rapporter aux conceptions des informateurs (tableau 4).
Dans le tableau 5, nous observons qu'il n'existe aucune association commune aux quatre groupes d'informateurs, même si tous les participants sont colombiens. Il en découle que pour chaque population, les représentations de l'entité apprentissage en français sont bien particulières. Les (G1), (G3) et (G4) partagent très peu de stéréotypes. Le socle commun se fonde sur: connaissances et apprenant. Ceci montre que l'apprentissage s'effectue par la connaissance circulant dans le processus éducatif, et demande un effort intellectuel/cognitif de la part de l'apprenant. Le (G1) montre un répertoire d'associations plus étendu que les autres groupes, même si les stéréotypes partagés ne sont pas notables. Ce groupe partage avec le (G2) trois éléments : manuel/ pratique/résultats. Lapprentissage est donc lié à l'emploi d'un ouvrage aidant l'apprenant à s'exercer pour aboutir.
Suite aux convergences entre (G1) et (G3), connaissances/résultats interviennent aussi dans le processus éducatif. Par ailleurs, nous trouvons deux stéréotypes communs à (G1) et (G4) : expériences/ évaluation, indiquant que l'apprentissage implique un jugement du travail fait par l'apprenant, vers l'accomplissement de connaissances.
Les résultats en espagnol indiquent la présence de quatre associations partagées par tous les groupes: connaissances/étudiant/motivation/expérience. En français, (G1)/(G3) et (G4) mobilisent tous le mot connaissances. Nous observons ainsi une première influence des conceptions en espagnol sur celles en français. Quant à motivation/expériences, nous remarquons qu'elles sont partagées par deux groupes. Le premier terme coïncide avec les représentations en français de (G3) et (G4), tandis que le second s'associe aux (G1) et (G4), dans les deux langues. Dans l'ensemble, les associations communes font preuve de l'influence de la langue source sur les conceptions des informateurs en langue étrangère.
Au premier regard, selon les tableaux précédents, les représentations stéréotypiques des participants tendent à se détacher de celles des dictionnaires tant en français qu'en espagnol car un nombre très limité de stéréotypes sont mobilisés dans leurs discours selon le protocole sémantique des mots en question. Ces nouvelles associations dérivent des visions du monde des informateurs qui découlent de leur influence culturelle, de leurs vécus expérientiels, voire de leur langue maternelle.
Puisque la présence de valeurs sociales marque l'évaluation que les énonciateurs portent sur le processus éducatif, leurs représentations en espagnol et en français montrent la prédominance de valeurs sociales positives. Les zones modales axiologiques positives les plus mobilisées sont la pragmatique et l'intellectuelle. L'apprentissage devient un processus majoritairement utile/intéressant pour la formation de capacités cognitives, vers l'acquisition/construction de connaissances dans les deux langues. Une autre mobilisation remarquable résulte des valeurs aléthiques et volitives, ce qui renforce le caractère nécessaire visant l'accomplissement des résultats (souhaités par l'individu). D'ailleurs, la présence de la zone modale épistémique souligne le rapport entre les savoirs et l'apprentissage, tandis que l'inscription éthique-morale positive renforce la nature constructive que la société estime en général quand il s'agit du processus éducatif. Une présence hédo-nique-affective bivalente y est aperçue, indiquant que l'apprentissage peut causer du plaisir/déplaisir en raison du contexte immédiat où s'insère celui qui apprend, surtout en L1. Somme toute, la mobilisation axiologique des étudiants semble être plus associée à l'influence de leur langue source qu'à celle de leurs enseignants/professeurs.
Les entités lexicales: enseignement et enseñanza
Les représentations des informateurs au sujet de ces deux entités sont très proches les unes des autres ; ces évaluations se rapprochent des définitions lexicographiques dans les deux langues (tableau 7). Connaissance/méthode/méthodologie conditionnent l'acte éducatif en français ; aspect remarquable dans les conceptions de tous les groupes. Quant à la CSL en espagnol, nous observons que celui qui enseigne devient un modèle à suivre par l'apprenant. Ceci est absent dans toutes les représentations en français/en espagnol vu que le trait: suivre un processus devient le plus significatif. En général, les orientations saisies sont similaires pour les deux langues, même si mémorisation, parue dans les dictionnaires en espagnol, diverge des estimations des enquêtés, voire de la CSL en français.
De l'information du tableau 8, nous observons ces trois associations communes aux informateurs : connaissance/méthodologie/enseignant-professeur. Cellesci indiquent que l'acte éducatif demande un responsable formé mobilisant son capital symbolique, par le biais d'une démarche. Pour les associations en espagnol, tous les participants accordent une place importante aux connaissances mais ils déclinent l'élément nucléaire: patience, du fait qu'aucune représentation ne rapporte l'acte éducatif au courage pour supporter le processus à effectuer afin de transmettre/partager des connaissances.
Un autre rapprochement résulte des stéréotypes partagés entre (G1) et (G2): modèle/expériences/ manuel, étant ceux-ci des estimations communes. Il en résulte que l'acte éducatif s'avère un patron où les vécus d'un enseignant et le travail d'un ouvrage contribuent à l'apprentissage de l'étudiant. En outre, un seul terme est commun entre les conceptions de (G2) et (G4): accompagnement, tandis qu'entre (G1) et (G3) (à part les stéréotypes partagés par tous les groupes) aucune association commune n'est apparue. Les évaluations de ceux qui enseignent dans chaque population indiquent que l'enseignement permet le guidage de l'apprenant dans son processus éducatif. Enfin, accompagnement et formation sont aussi partagés entre (G3) et (G4). Ces étiquettes indiquent que pour les locuteurs universitaires, l'enseignement promeut l'éducation intellectuelle, voire morale à double voie: de celui qui apprend, mais aussi de celui qui dispense des cours.
Suite aux associations communes comparées dans chaque groupe, un nombre limité de représentations en langue maternelle apparaît en langue étrangère, n'étant pas vraiment significatif.
Bien que les stéréotypes mobilisés par les participants élargissent ceux des dictionnaires (tableaux 8 et 9), leurs représentations attachées aux entités ne dérivent pas entièrement du corpus lexicographique. Même s'il existe peu d'éléments activés dans les conceptions des enquêteurs tant en français qu'en espagnol, l'influence des dictionnaires est presque inexistante. Leurs représentations concernent tant leurs expériences que leur base culturelle, voire leurs conditions et leurs situations immédiates.
En vertu des représentations analysées, les valeurs les plus actives dans les conceptions de tous les groupes correspondent aux valeurs axiologiquement positives en langue maternelle et langue cible. En effet, la zone modale la plus mobilisée est la pragmatique, indiquant que pour les participants, l'acte éducatif dans les deux langues est utile pour l'individu et la société. Même si les quatre groupes s'accordent sur ce type de valeurs, leur présence est supérieure pour le (G1) en français, et pour les (G3)/(G4) en espagnol. Une autre inscription est reliée aux valeurs aléthiques et intellectuelles positives ; mobilisation soulignant la nature essentielle/ intéressante de l'enseignement. De par l'inscription de ces valeurs, il semble que pour l'organisation binationale, il existe une influence de l'enseignant sur la mobilisation effectuée par les étudiants, alors que pour les informateurs universitaires, cette inscription semble dériver de l'influence de leur langue maternelle. L'existence de valeurs volitives, intellectuelles et affectives bivalentes influe sur les conceptions des enseignants/professeurs. Il paraît que ceux qui enseignent incident dans la mobilisation de ces zones chez leurs étudiants. La L1 semble avoir une incidence sur l'inscription des valeurs déontiques dans les estimations de tous le groupes en français.
La (re)construction de traits identitaires auprès des quatre groupes enquêtés
Ci-dessous les marques identitaires les plus remarquables de l'apprenant et de l'enseignant/professeur. L'intention n'est pas de montrer un profil idéal de ces acteurs, mais plutôt de comprendre les images en construction que tous les participants ont constituées de celui qui apprend/enseigne. Ces traits identitaires sont établis dans les deux langues afin de valider l'idée que le sujet forme sa propre identité en raison de la langue qui parle.
(Re)construction identitaire de l'apprenant
L'information du tableau précédant montre la (re)construction très diversifiée de l'image de l'étudiant. Primo, le (G1) et le (G2) représentent une vision traditionnelle de l'apprenant: celui ayant pour but la quête de la connaissance, qui fait des efforts pour aboutir, qui possède une bonne attitude, participatif et communicatif. Un apprenant qui est à l'écoute des indications de l'enseignant, qui ne remet pas en question son pouvoir, qui ne se questionne pas de son discours à cause de sa condition réceptive. Des caractéristiques qui s'associent à l'image d'un apprenant idéal, sous la conception du paradigme structuraliste où l'apprenant est monolithique. En revanche, les (G3)/(G4) conçoivent un apprenant qui se caractérise par sa nature active et participative, motivé et autonome, pouvant agir face au pouvoir du professeur et qui peut mettre en question ses décisions. Une représentation de l'apprenant moins traditionnelle qui s'explique depuis le paradigme poststructuraliste où l'apprenant est un individu hétérogène.
Secundo, les traits identitaires associés à l'apprenant en L1 retracent un aspect commun à tous: l'étudiant est motivé. Pourtant, l'image de soi-même que le (G1) (re)construit, et celle que le (G2) évoque de leurs apprenants, font preuve du paradigme structuraliste. Les traits identitaires des informateurs universitaires s'orientent vers l'image d'un apprenant actif, autonome et engagé, proportionnel au regard poststructuraliste. Ceci évoque l'incidence des traits identitaires se partageant entre l'espagnol et le français.
5.2. Reconstruction identitaire de l'enseignant/professeur
Dans le tableau ci-dessus, les traits identitaires liés à celui qui enseigne varient. Chez les locuteurs de l'organisation binationale, nous relevons l'image d'un enseignant patient, détenant le pouvoir dans le contact avec l'apprenant. Les étudiants/professeurs universitaires rendent compte d'un sujet formé, responsable du processus d'apprentissage ; quelqu'un mobilisant son pouvoir, donc non autoritaire. Cela indique la (re)construction d'un enseignant moins traditionnel. En somme, les caractères identitaires exprimés par tous les participants en langue maternelle se rapprochent à ceux identifiés en langue étrangère, à exception de quelques divergences explicitées auparavant.
Discussion et conclusions
Cette étude fait apparaître que les comparaisons des représentations dictionnairiques propres aux étiquettes en français et en espagnol, présentent des proximités (dues sûrement à leur condition de langues romanes), ainsi que des différences (déterminées peut-être par des aspects culturels et sociaux, vis-à-vis de chaque langue). Parmi les éléments qui sont très partagés entre apprentissage et aprendizaje, nous avons trouvé que ce processus éducatif vise le changement de comportements, et mobilise surtout des valeurs axiologiques pragmatiques positives. L'apprentissage devient un processus utile tant en français qu'en espagnol. Comme aspect divergent, en langue française l'apprentissage s'intéresse plutôt au processus développé par l'apprenant, tandis qu'en espagnol, l'importance porte surtout sur les résultats atteints par lui-même. Quant aux mots enseignement et enseñanza, cet acte éducatif dans les deux langues implique l'image d'un enseignant riche en connaissances, ayant pour but que l'apprenant puisse les acquérir. L'inscription de valeurs pragmatiques positives montre que cet acte s'avère avantageux, mis au service d'autrui. Néanmoins, l'enseignement priorise le processus de l'enseignant afin que l'individu apprenne, alors qu'en espagnol, les résultats accomplis par celui qui enseigne sont plus saillants.
À partir des réponses analysées, nous avons remarqué que pour ce qui est de l'entité apprentissage, les représentations sont très diverses. Le (G1) indique que le processus éducatif se rapporte avec un sujet qui développe une série d'actions/d'activités contribuant à lui faire apprendre, donc à porter du pouvoir: cet individu possède des connaissances qui lui sont propres. Le (G2) relie l'apprentissage à la présence directe d'un enseignant, à des stratégies établies par l'apprenant, et à des qualités intrinsèques régulières à l'étudiant. Le (G3) considère que ce processus fait référence tantôt au travail développé par celui qui apprend, tantôt à la prise de conscience que ce sujet porte sur sa propre évolution. Pour le (G4), l'apprentissage s'associe à la pratique/lecture/ métacognition et aux expériences. En espagnol, un nombre important de représentations se partagent avec celles en français.
Quant à l'enseignement, pour le (G1), l'acte éducatif se relie à l'instruction donnée par un individu qui communique et évalue un apprenant. Pour le (G2), l'enseignement se base sur le numérique et sur un programme. Chez le (G3), les savoirs de celui qui enseigne, ses compétences, et son processus développé contribuent directement à l'enseignement. Le (G4) montre trois aspects obligés pour accomplir cet acte éducatif : l'apprenant, la recherche et la communication. l'existence de représentations se partageant en L1 par rapport à la langue cible est remarquable.
La mobilisation des valeurs pragmatiques, intellectuelles positives, et aléthiques est notable dans les conceptions des termes apprentissage et enseignement dans les deux langues, chez tous les informateurs. De la (re)construction identitaire de Y apprenant et de Y enseignant, nous observons que les (G1)/(G2) associent ces acteurs à une image idéale. En revanche, l'image d'eux chez les (G3)/(G4) est moins platonique mais plutôt critique et autonome.
Or, nous avons précisé qu'en contexte exolingue, le rôle de la L1 des informateurs semble se répercuter sur l'inscription de valeurs sociales, et par la suite, sur les conceptions qu'ils se font en langue étrangère. Autrement dit, dans le contexte colombien, un énonciateur peut faire émerger des représentations diverses en langue étrangère comme le français, à partir de la base linguistique et culturelle de sa L1. Nous avons ainsi validé l'influence de l'espagnol sur les conceptions que les participants des quatre groupes se font des entités qui nous concernent. Dans cette perspective, nous pouvons analyser les implications sur la manière dont la langue française est apprise et enseignée en Colombie, du fait que dans les quatre groupes, il semble que les représentations, les valeurs et les traits identitaires venant de leur L1 sont mises en scène pour avancer dans l'apprentissage et l'enseignement du FLE, tout en sachant que les conceptions du monde francophone diffèrent de l'espagnol en Colombie, en termes linguistiques et culturels.
En définitive, les représentations des enseignants/professeurs ont un impact sur les estimations de leurs étudiants, par rapport au processus et à l'acte éducatif en langue française. Une telle influence se précise avec les images identitaires (re) construites discursivement dans chaque population. Les conceptions des enseignants/professeurs impactent les images que leurs apprenants se font d'eux-mêmes, et se légitiment dans la quotidienneté éducative. Cela implique que les représentations de ces acteurs font preuve tant de leurs actes que de leurs conduites dans le contexte éducatif. Cet aspect valide, par la suite, l'hypothèse suivante : les pratiques/actions des acteurs éducatifs, se reflétant dans l'apprentissage/l'enseignement du FLE, sont performées et mobilisées par le discours.