Recibido: 16 de septiembre de 2016; Aceptado: 28 de julio de 2017
Analyse sémantico-lexicale et terminologique 1
Análisis semántico lexical y terminológico
Lexical and Terminological Semantic Analysis
Análise semântico-lexical e terminológica
Résumé
Dans cet article, nous présentons quelques-uns des procédés utilisés tant en sémantique lexicale qu'en terminologie afin de définir et de décrire les unités linguistiques ou terminologiques. Ces analyses servent de base à des étudiants ou à des professionnels désirant s'initier dans des projets de création de dictionnaires ou de terminologies monolingues, bilingues ou multilingues. Premièrement, nous introduisons de manière générale les concepts de lexicologie et de terminologie pour ensuite expliquer lesdites analyses. Chacune d'entre elles emploie un vocabulaire précis. Ainsi, dans le domaine de la sémantique, les auteurs parlent d'une analyse sémantique ou sémantico-lexicale visant à décrire la signification des mots. En terminologie, au contraire, ils se réfèrent surtout à une analyse conceptuelle. Finalement, nous concluons en citant de possibles applications dérivant de ces théories au moyen desquelles la compétence lexicale et la compétence métalinguistique pourraient être approfondies.
Mots-clés:
Analyse sémantico-lexicale, analyse terminologique, sème, caractères.Resumen
En este artículo de revisión, presentamos algunos de los procedimientos utilizados tanto en semántica léxica como en terminología con el fin de definir y describir las unidades lingüísticas y terminológicas. Estos análisis sirven de fundamento a los estudiantes o profesionales deseosos de iniciar proyectos de creación de diccionarios o terminologías monolingües, bilingües o multilingües. En primer lugar, introducimos los conceptos de lexicología y de terminología para luego explicar dichos análisis. Cada uno de ellos emplea un vocabulario preciso. Así, en el campo de la semántica, los autores hablan de un análisis semántico o semántico lexical que tiene como objetivo el de describir la significación de las palabras. En terminología, por el contrario, hacen referencia principalmente a un análisis conceptual. Finalmente, concluimos citando posibles aplicaciones que derivan de estas teorías y por medio de las cuales podrían ser profundizadas la competencia léxica y la competencia metalingüística.
Palabras clave:
Análisis semántico lexical, análisis terminológico, sema, características.Abstract
In this review paper, we present some of the procedures used in both lexical semantics and terminology in order to define and describe the linguistic and terminological units. These analyzes are the basis for students or professionals who wish to start projects for the creation of monolingual, bilingual or multilingual dictionaries or terminologies. First, we introduce the concepts of lexicology and terminology, and then we explain such analyzes. Each of them employs precise vocabulary. Thus, in the field of semantics, the authors speak of a semantic or semantic-lexical analysis that aims to describe the meaning of words. In terminology, on the contrary, they mainly refer to a conceptual analysis. Finally, we conclude by citing possible applications deriving from these theories and through which lexical competence and metalinguistic competence could be further developed.
Keywords:
Lexical semantic analysis, terminological analysis, seme, characteristics.Resumo
Neste artigo de revisão, apresentamos alguns dos procedimentos utilizados tanto em semântica lexical quanto em terminologia com o fim de definir e descrever as unidades linguísticas e terminológicas. Estas análises são fundamento para os estudantes ou profissionais interessados em iniciar projetos de criação de dicionários ou terminologias monolíngues, bilíngues ou multilíngues. Primeiramente, introduzimos os conceitos de lexicologia e de terminologia para depois explicar essas análises. Cada uma delas utiliza um vocabulário exato. Assim, no campo da semântica, os autores referem uma análise semântica ou semântico-lexical que visa descrever a significação das palavras. Em terminologia, pelo contrário, refere-se principalmente a uma análise conceitual. Finalmente, concluímos citando possíveis aplicações que derivam destas teorias e por meio das que poderiam ser aprofundadas a competência léxica e a competência metalinguística.
Palavras chave:
Análise semântico-lexical, análise terminológica, semântica, características.Introduction *
Les glossaires, les dictionnaires monolingues et bilingues, ainsi que les fiches et les bases de données terminologiques sont certaines des ressources conçues et développées par les industries de la langue. Elles contribuent amplement dans la sphère de la traduction, de la lexicologie, de la terminologie ou de l'apprentissage des langues.
Pour ce faire, les spécialistes se fondent sur des théories linguistiques et sur des analyses sémantiques, lexicales ou terminologiques leur donnant des moyens de saisir, définir, décrire et expliquer le lexique dans des langues courantes et de spécialité.
Ces experts élaborent aussi des ontologies dans lesquelles les unités linguistiques ou terminologiques, appartenant à des domaines précis, établissent des associations et des relations. Ces réseaux sémantiques ou conceptuels permettent d'identifier et de scruter les nuances sémantiques, conceptuelles, culturelles et d'usage des mots et des termes dans une ou plusieurs langues.
Les outils créés et les études menées sont fructueux pour des professeurs de langues, des traducteurs ou des linguistes. Des professionnels et des étudiants souhaitant parfaire leur formation dans le champ dictionnairique ou terminologique en bénéficient également. Ils enrichissent leur compétence lexicale définie comme «la connaissance des unités lexicales d'une langue et la capacité à les utiliser et à les comprendre» (Meara, 1996; Polguère et Tremblay, 2003; Simard, 1994; cité par Tremblay et Polguère, 2014, p. 1174).
Grâce à ces fondements théoriques et à ces explorations sémantico-lexicales et terminologiques, leur compétence métalinguistique se voit, en outre, favorisée et approfondie (Tremblay et Polguère, 2014, p. 1173). Celle-ci se réfère à la capacité de réfléchir à des phénomènes de la langue en se servant de la langue elle-même.
Le but de ce document est de présenter les analyses sémantico-lexicales et terminologiques utilisées pour définir et caractériser le lexique de la langue courante ou de la langue de spécialité. Elles servent de base à la mise en place de projets lexicographiques ou terminographiques.
Dans un premier temps, nous traitons de manière générale les concepts de lexicologie et de terminologie. Nous détaillons ensuite les procédés sémantico-lexicaux et terminologiques et nous finissons par quelques conclusions.
La lexicologie et la terminologie
Selon les objectifs visés par chaque recherche, la nomenclature d'un dictionnaire peut se composer d'unités linguistiques ou terminologiques. Leur étude implique donc une réflexion sur la lexicologie et la terminologie.
La lexicologie étudie les mots de la langue courante (De Miguel, 2009, p. 13) d'un point de vue synchronique et diachronique (Polická, 2014, p. 9). Elle les analyse sur un plan sémantique, morphosyntaxique et pragmatique (Cusin-Berche, 2003, p. 52). La description sémantico-lexicale est effectuée au niveau dénotatif et connotatif. Ainsi, toutes les significations possibles d'un mot dans de multiples contextes peuvent être prises en compte (Béjoint et Thoiron, 2000, p. 30).
La terminologie, pour sa part, s'occupe des termes (Béjoint et Thoiron, 2000, p. 23; Evers, 2010, p. 15). Elle se charge de nommer à travers une ou plusieurs désignations linguistiques de nouvelles réalités ou objets qui sont créés chaque jour. Pour être dénommés nous devons catégoriser les objets sous la forme des concepts. Le concept est l'ensemble de caractères correspondant aux propriétés d'un objet désigné au moyen d'un terme (Mejri, Sfar et Van Campenhoudt, 2014, p. 345 ; L'Homme, 2004, p. 25; Conceição, 2005, p. 52). Elle vise également à rassembler et à analyser les concepts d'un domaine déterminé.
Afin de les identifier, le terminologue repère les caractères les constituant. Ce procédé lui permettra également de les définir et de les décrire après.
Le terme ou unité terminologique est défini comme la désignation (Olivier, Moré et Climent, 2008, p. 76) donnée à un objet réel ou abstrait dans un contexte et dans un domaine particulier. La désignation peut être un mot simple, un mot composé ou un syntagme complexe (Wüster, 2010, s.p.).
Nous exposons par la suite les procédés utilisés en sémantique lexicale et en terminologie afin de définir et de décrire les unités linguistiques ou terminologiques.
Analyse sémantico-lexicale
Cette analyse est effectuée en comparant le contenu sémantique des unités linguistiques qui se rapportent à des objets ou à des réalités appartenant à une même classe sémantique. Elle vise à déterminer leurs propriétés abstraites à travers la mise en évidence des sèmes similaires ou disjoints pour ainsi les définir.
Cette méthode, qui consiste à isoler les sèmes des objets abstraits ou concrets (Pikabea, 2008, p. 16) appartenant à un domaine particulier, a été dénommée analyse sémique par Bernard Pottier. Celle-ci est fondée sur l'analyse phonologique, qui cherche à repérer les traits communs et différentiels des phonèmes (1974, p. 61-62; Encyclopaedia Universalis, 2016, s.p.).
Les « sèmes » ou unités minimales de signification (Delisle et Bastin, 2006, p. 118) se caractérisent par leur absence d'autonomie. Ils existent seulement lorsque nous effectuons une analyse sémique et que nous les comparons. Ils acquièrent du sens à l'intérieur d'un ensemble de sèmes qui vont nous permettre de définir un objet. Les sèmes peuvent être obtenus en identifiant des informations relatives aux objets (ex. couleur, forme, fonction, taille, utilisation, composants, matière, poids, nature, destination, etc.).
Pour repérer chacune des unités minimales de signification, nous recourons à la langue et à sa fonction métalinguistique. Nous nous servons d'elle de façon arbitraire. Ainsi, en prenant en considération plusieurs analyses sémiques, nous avons noté que les sèmes peuvent être formés d'un énoncé de taille variée ou d'un seul mot. Ils peuvent appartenir à une catégorie grammaticale ou morphologique variable. En guise d'exemple, nous avons distingué certains sèmes constitués de noms, d'adjectifs, ainsi que de diverses sortes de syntagmes (Rastier, Cavazza et Abeillé, 1994, p. 49). En voici quelques-uns dans le tableau 1:
Exemples de sèmes.
Unité linguistique
Catégorie grammaticale ou morphologique des sèmes
Exemples
chaise
Syntagmes prépositionnels
«pour une personne (+), pour s'asseoir (+), sur pied(s) (+), avec dossier (+), avec bras (-)» (Mortureux, 2008, p. 78).
orage
Adjectifs
«abondant (+), froid (-)» (Gardes-Tamine, 2005, p. 136).
giboulée
Noms
«grêle (+), éclair (-)» (Gardes-Tamine, 2005, p. 136).
Dans une analyse sémantico-lexicale, il est essentiel de tenir compte des traits pertinents et non pertinents. Les premiers s'appliquent à l'ensemble d'objets d'une même classe sémantique. Les seconds sont plutôt particuliers à un objet déterminé ou à une variété restreinte (ex. la couleur d'une voiture).
En guise d'illustration, nous allons décomposer les sèmes qui font partie des unités linguistiques suivantes : «boisson», «café», «thé» et «chocolat». À cet effet, nous avons retenu des définitions figurant dans les dictionnaires le «Larousse pratique» (Lambrechts, 2003) et «Le trésor de la langue française informatisé» (TLFi, s.d.). Nous précisons que seuls les sens correspondant au domaine qui nous intéresse ont été examinés, à savoir, celui des « boissons ». Les voici par la suite dans le tableau 2:
Définitions de quelques unités relatives aux «boissons»
Unité linguistique
Dictionnaires et leurs définitions
café
TLFi
«Boisson aux propriétés stimulantes et toniques obtenue par l'infusion des graines torréfiées et moulues» (TLFi, s.d., s.p.).
Larousse pratique
«Boisson obtenue à partir de graines de café torréfiées» (Lambrechts, 2003, p. 196).
thé
TLFi
«Boisson préparée par infusion» des feuilles du théier « dans l'eau frémissante » (TLFi, s.d., s.p.).
Larousse pratique
«Infusion que l'on en fait». (Avec des feuilles torréfiées du théier) (Lambrechts, 2003, p. 1460).
chocolat
TLFi
«Boisson préparée avec du chocolat en morceaux ou en poudre, dissout ou cuit dans de l'eau ou du lait» (TLFi, s.d., s.p.).
Larousse pratique
«Boisson préparée avec du chocolat ou du cacao en poudre et de l'eau ou du lait» (Lambrechts, 2003 p. 259).
boisson
TLFi
«Liquide que l'on boit ou que l'on peut boire» (TLFi, s.d., s.p.).
Larousse pratique
«Liquide que l'on boit» (Lambrechts, 2003, p. 162).
Si nous paraphrasons la définition du mot « boisson» , nous pouvons obtenir les sèmes suivants:
/liquide/
/buvable/1
En les prenant en compte et en lisant les définitions des autres mots étudiés («café», «thé» et «chocolat»), nous constatons que ces derniers peuvent être classés à l'intérieur du champ sémantique de « boissons». Ils possèdent tous les mêmes sèmes que ceux figurant dans l'unité linguistique « boisson», ils sont exprimés directement au moyen du mot «infusion» ou du mot «boisson». Ces sèmes partagés sont connus sous le nom de «sèmes génériques». Ils déterminent l'appartenance d'un ensemble d'unités linguistiques à une classe sémantique spécifique (Riemer, 2016, p. 495).
Outre ces sèmes communs, nous remarquons dans les définitions des unités linguistiques analysées, des «sèmes spécifiques» permettant de les distinguer. Grâce à eux, des oppositions entre le mot dont ils font partie et d'autres appartenant à une même classe sémantique peuvent être mises en place. Dans notre exemple, ces sèmes spécifiques sont en rapport avec la composante de la boisson (ex. /des graines de café/, /des feuilles du théier/ et /du chocolat/ ou /du cacao/).
L'ensemble de sèmes, spécifiques ou génériques, créé pour un objet précis s'appelle «sémème» (Geeraerts, 2010, p. 75). Le tableau 3 contient la totalité de sèmes décrits. La présence ou l'absence d'une propriété ou d'un trait de signification est représentée par le symbole plus (+) ou moins (-), selon le cas.2
Décomposition en sèmes.
Unité linguistique
Sème générique
Sèmes spécifiques
/boisson/
/à base de graines de café torréfiées/
/à base de feuilles du théier/
/à base de chocolat/
/faite avec de l'eau/
/faite avec du lait /
Café
+
+
-
-
+
-
Thé
+
-
+
-
+
-
chocolat
+
-
-
+
+
+
Or, selon Bernard Pottier (1992, p. 74), il existe plusieurs sortes de sèmes pouvant être classés dans le champ de la dénotation ou de la connotation. Sur le plan de la dénotation, nous trouvons deux sortes de sèmes. Ils sont les sèmes spécifiques et les sèmes génériques (Jiménez, 2013, p. 237) dont nous avons parlé ci-dessus.
Sur le plan de la connotation, Pottier introduit le terme de «sème virtuel». Il se caractérise pour être actualisé en contexte. À titre d'exemple, et en lisant un document qui décrit le chocolat (Bourin, 2001, p. 58), dans la culture Maya, les sèmes virtuels pour le mot «cacao» peuvent être les suivants:
/Servant de monnaie chez les Mayas/
/Servant de tribut/
Outre le classement en sèmes génériques et spécifiques, François Rastier (2005, p. 56) le divise également en sèmes inhérents et sèmes afférents.
Les «sèmes inhérents» sont établis en fonction d'un «type» (Rastier, Cavazza et Abeillé, 1994, p. 53) ou de la propriété la plus courante d'un objet abstrait ou concret. Ils sont étroitement liés à la définition systématique que l'on fait de celui-ci. Ainsi, en tenant compte de la définition de «grenouille», nous pouvons dire que la couleur type de cet animal peut être le vert (voir tableau 4). Cependant, nous savons tous qu'il existe des grenouilles d'autres couleurs.
Exemple de sèmes inhérents du mot «grenouille»
Unité linguistique
Sème inhérent
Définition de « grenouille »
Grenouille
/verte/
« Amphibien sauteur et nageur, à peau lisse, verte ou rousse » (Lambrechts, 2003, p. 696).
Les «sèmes afférents», eux, font partie du domaine de la connotation (de la même manière que le sème virtuel chez Pottier). Pour François Rastier, ils sont de deux sortes. Les premiers se caractérisent pour établir des relations entre des sémèmes appartenant à des classes sémantiques différentes. Les seconds, tiennent compte du contexte du mot en question et de ses relations établies avec d'autres mots qui ne font pas partie du même champ sémantique. Voici par la suite l'explication donnée par François Rastier à propos des sèmes afférents (Cavazza et Abeillé, 1994, p. 53-54):
Les premiers notent des relations applicatives d'une classe minimale de sémèmes (taxème) [...] dans une autre. Par exemple les membres du taxème //'homme', 'femme'// sont en français le but d'une relation d'application qui a pour source les membres du taxème //'force', 'faiblesse'//. [.] On peut dire que ces sèmes afférents, socialement normés, sont associés au type sans avoir de caractère définitoire au même titre que les sèmes inhérents. À ce titre, ils ne sont actualisés dans l'occurrence qu'en raison de prescriptions issues de son contexte. [...]Une seconde sorte de sèmes afférents ne dépend pas de relations paradigmatiques entre classes, mais résulte uniquement de propagations de sèmes en contexte. On peut les appeler sèmes afférents contextuels. [...] Par exemple, dans le corbeau apprivoisé le sème /apprivoisé/ doit être représenté dans l'occurrence de 'corbeau.
Nous devons dire qu'en fonction de chaque analyse, la position des sèmes change et par conséquent leur classement en tant que sèmes inhérents ou sèmes afférents.
Or, comme nous l'avons mentionné ci-dessus, les unités linguistiques contenues dans une analyse sémique figurent à l'intérieur d'un domaine particulier. François Rastier le définit comme «la classe de généralité supérieure» (Cavazza et Abeillé, 1994, p. 62) qui fonctionne et qui est déterminée par un type de pratique sociale spécifique. Pour cet auteur, le domaine est composé de champs ou de classes sémantiques qui sont divisés, en même temps, en «taxèmes».
Le taxème ou «classe minimale de signification» (Rastier, Cavazza et Abeillé, p. 89) est la classe générale (Riemer, 2016, p. 495). Il contient le sème générique qui englobe, en même temps, deux ou plusieurs sémèmes avec leurs sèmes. Les sémèmes composant cette structure peuvent établir entre eux des rapports d'opposition.
Analyse terminologique
La description de l'analyse terminologique est présentée dans la norme ISO 704 : 2001 (ISO, 2009) ainsi que dans certains ouvrages dédiés à la terminologie. En les étudiant, nous avons remarqué que les pivots de cette analyse sont le «concept» et le «terme» (Cabré, Bach et Martí, 2006, p. 101; Alcina, Valero et Rambla, 2009, p. 289; Wüster, 2010, s.p.; Depecker, 2002, p. 89).
Afin de décrire les objets nous pouvons examiner leurs propriétés. Elles sont conceptualisées en «caractères» et sont obtenues au moyen de l'abstraction et de la paraphrase (Roche, 2007, p. 5).
De la même manière que dans l'analyse sémantico-lexicale qui classe les traits sémantiques en pertinents, non pertinents, génériques ou spécifiques, l'analyse terminologique considère les caractères comme étant «essentiels», «non essentiels», «communs» ou «distinctifs». Cet ensemble de types de caractères est utile pour la constitution des définitions des concepts étudiés. En comparant leurs caractères, il est possible de mettre en place une série de relations entre eux et de créer ainsi des réseaux conceptuels des domaines particuliers.
À titre d'illustration, nous avons pris en considération les termes «expresso», «expresso long», «expresso court» et «double expresso». Nous avons tiré leurs définitions du «Grand dictionnaire terminologique» (Office québécois de la langue française, 2012a). En les paraphrasant nous avons constitué une série de caractères pour chacun de ces concepts. L'ensemble de ces éléments est présenté dans le tableau 5.
Exemple d'analyse terminologique.
Concept
Définition
Caractères obtenus à travers l'abstraction et la paraphrase
expresso
«Café préparé à partir d'une mouture fine, très torréfiée, et selon un procédé de percolation sous très haute pression. Notes: Le mode de préparation de l'expresso est originaire d'Italie. Le temps d'extraction très court et la haute pression donnent un café suave, crémeux en surface, et qui a la caractéristique d'être moins caféiné que le café filtre. L'expresso peut être court ou long selon la quantité d'eau pressée». (Office québécois de la langue française, 2012d, s.p.)
-boisson. -à base d'une mouture fine de café et d'eau pressée. -soumis à l'action de la chaleur. -obtenu à travers un procédé de percolation.
expresso long
«Expresso dont le volume d'eau est augmenté à 100 ou 120 millilitres» (Office québécois de la langue française, 2012f, s.p.).
-boisson. -à base d'une mouture fine de café et d'eau pressée. -soumis à l'action de la chaleur. -obtenu à travers un procédé de percolation. -préparé avec 100 ou 120 millilitres d'eau.
expresso court
«Expresso très serré, dont le volume d'eau est de 25 millilitres, qui est servi dans une petite tasse» (Office québécois de la langue française, 2012e, s.p.).
-boisson. -à base d'une mouture fine de café et d'eau pressée. -soumis à l'action de la chaleur. -obtenu à travers un procédé de percolation. -préparé avec 25 millilitres d'eau. -très concentré. -servi dans une petite tasse.
double expresso
«Expresso préparé en doublant la quantité habituelle de mouture». (Office québécois de la langue française, 2012c, s.p.).
-boisson. -à base d'une mouture fine de café et d'eau pressée. -soumis à l'action de la chaleur. -obtenu à travers un procédé de percolation. -préparé avec le double de mouture de café que la normale.
Or, si nous tenons compte des termes «expresso long», «expresso court» et «double expresso», nous pouvons dire qu'ils sont des «expressos», car tous sont faits «à base d'eau et d'une mouture fine de café, hautement torréfiée et au moyen d'un procédé de percolation sous très haute pression» (Office québécois de la langue française, 2012d, s.p.). Leurs caractères: «boisson», «à base d'une mouture fine de café et d'eau pressée», «soumis à l'action de la chaleur» et «obtenu à travers un procédé de percolation», peuvent être donc considérés comme des caractères essentiels et communs à ces termes.
Le concept «expresso» est donc le «concept générique» à l'intérieur duquel les «concepts spécifiques» «expresso long», «expresso court» et double expresso» sont classés.
Malgré les caractères partagés par ces termes qui leur permettent d'être intégrés dans le genre des «expressos», ils présentent également des caractères distinctifs et essentiels. Ces caractères sont en relation avec la variation dans la quantité (supérieure ou inférieure) d'eau ou de mouture employées lors de la préparation du café. Les voici par la suite dans le tableau 6:
Caractères distinctifs des «expressos»
Concept
Caractères distinctifs
expresso long
-préparé avec 100 ou 120 millilitres d'eau. (Office québécois de la langue française, 2012f, s.p.).
expresso court
-préparé avec 25 millilitres d'eau. (Office québécois de la langue française, 2012e, s.p.).
double expresso
-préparé avec le double de mouture de café que la normale. (Office québécois de la langue française, 2012c, s.p.).
L'ensemble des caractères que nous venons de citer pour chacun de ces concepts constitue leur «compréhension» (Conceição, 2005, p. 52). La compréhension est un procédé de description d'un concept qui consiste à «énumérer tous les caractères qui le décrivent, du plus générique au plus spécifique» (Cabré, 1998, p. 173-174).
Les trois concepts spécifiques «expresso long», «expresso court» et «double expresso» font partie de «l'extension» (Conceição, 2005, p. 52) du concept générique «expresso». Elle correspond à des genres ou à des réalisations possibles du concept générique.
En tenant compte des relations établies entre concepts génériques et spécifiques, il est donc possible de constituer un réseau conceptuel, qui peut être représenté en forme arborescente (Wüster, 2010, s.p.), ainsi (figure 1):
Figure 1. Réseau conceptuel du terme «expresso»
Si à côté du concept générique nous avons également le concept «café glacé» et si nous tenons compte de sa définition et de ses caractères (voir tableau 7):
Concept «café glacé»
Concept
Définition
Caractères obtenus à travers l'abstraction et la paraphrase
Café glacé
«Café fort et froid auquel on ajoute des glaçons ou de la glace pilée et, selon les variantes, du lait, de la crème, du sucre» (Office québécois de la langue française, 2012b, s.p.).
-boisson froide. -à base de café hautement concentré et de la glace. -pouvant être accompagnée, selon le cas, du lait, du sucre ou de la crème. -préparée dans un mixeur.
Notre réseau conceptuel précédent peut être modifié et complété de la forme suivante (voir figure 2):
Figure 2 Modification du réseau conceptuel.
Dans le réseau conceptuel du domaine des «boissons», nous pouvons trouver des boissons à base de café ou de n'importe quel autre ingrédient, (ex. thé, chocolat, etc.). Les concepts «expresso» et «café glacé» partagent le caractère commun «à base de café». Ils possèdent aussi des caractères différentiels: le premier se consomme chaud et est fait dans une machine expresso. Le second se boit froid et est préparé dans un mixeur.
L'exemple précédent illustre également le caractère non statique des concepts lors de la constitution d'un réseau conceptuel. En effet, les divers concepts peuvent devenir des concepts génériques ou spécifiques, selon chaque situation particulière.
Lors de l'analyse des définitions, nous avons aussi observé que certains caractères ne sont pas essentiels mais plutôt «complémentaires». Ils permettent de détailler la définition. Les voici dans le tableau 8:
Caractères complémentaires de «expresso court» et «café glacé»
Concept
Caractères complémentaires
expresso court
-qui est servi dans une petite tasse. (Office québécois de la langue française, 2012e, s.p.).
café glacé
-pouvant être accompagnée, selon le cas, du lait, du sucre ou de la crème. (Office québécois de la langue française, 2012b, s.p.).
Conclusions
Les informations théoriques précédentes sont indispensables pour mieux orienter une recherche visant à construire des dictionnaires ou des bases de données terminologiques. Nous avons ainsi développé un ensemble de notions pertinentes faisant partie de la sémantique, de la lexicologie et de la terminologie.
La plupart des analyses sémantico-lexicales et terminologiques se fondent notamment sur l'étude des unités linguistiques ou terminologiques et des syntagmes complexes. Puisque la terminologie est une science dont beaucoup de ses fondements sont issus de la linguistique, nous apprécions un grand nombre de ressemblances entre le modèle sémantico-lexicale et le modèle terminologique. Par ailleurs, et comme l'affirme Loïc Depecker (2002, p. 61), le terme est un terme mais il est, en même temps, une unité linguistique. Voilà pourquoi ces deux analyses sont étroitement liées.
Nous constatons de cette manière que, lors d'une recherche lexicologique ou terminologique, il faut mettre en place des analyses pouvant être utiles pour définir ou décrire les réalités traitées et le lexique de la langue courante ou de spécialité.
D'un point de vue didactique, ces procédés servent d'appui pour créer des tâches de consolidation des compétences lexicales et métalinguistiques chez les étudiants des langues ou chez les professionnels désirant se spécialiser dans des branches spécifiques. Il serait avantageux de réaliser des activités comparatives relatives à des domaines techniques ou à des analogies lexicales ou conceptuelles au niveau monolingue, bilingue ou plurilingue.
Des ateliers d'exploration de corpus unilingues ou de corpus comparables, dans deux ou plusieurs langues, sont aussi suggérés. L'examen des concordances ou des phrases dans lesquelles des mots ou des termes candidats figurent, rend possible l'identification des définitions. Celles-ci peuvent par la suite être scrutées afin de déceler les sèmes ou les traits les composant.
La rédaction des définitions s'effectue également à partir des données éparses, repérées dans les corpus et en établissant des analyses sémiques ou conceptuelles. Les activités définitionnelles sont nécessaires pour enrichir et approfondir les connaissances linguistiques, conceptuelles ou culturelles entres langues. Elles permettent, par ailleurs, l'élaboration des savoirs à travers un apprentissage significatif (Pantet et Grobet, 2011, p. 10).
Enfin, la mise en place d'ontologies, de réseaux sémantiques ou conceptuels facilite la reconnaissance des mots ou des concepts similaires, différents ou inexistants dans des langues examinées. La compétence lexicale est élargie par le repérage de synonymes, d'hyponymes, d'isonymes, d'hyperonymes, d'équivalents, de quasi-équivalents traductionnels ou des gloses descriptives ou explicatives. Le vocabulaire dévient donc plus claire et compréhensible (Grobert et Müller, 2011, p. 67).